Semaine JURA Septembre2022

Nous n’étions pas à la mer mais une mer émeraude s’est jetée à nos faces en arrivant dans les plis du Jura. Ce n’était pas du goémon mais des étendues de prairies où paissent des vaches, de races montbéliarde et simmental (si j’ai bien retenu), profitant de la résurgence de l’herbe, flashy, revenue d’un printemps oublié, et pour le coup ne s’en laissant pas comté. Pour le temps, nos guides, Jean-Michel et Paco, ont habilement slalomé entre les gouttes. Au premier jour, nuageux, nous voici au pied du mur. « Ça monte un petit peu » nous indique, sans rire, l’un de nos sherpas tandis que nous montions dans la forêt de Rizoux après avoir effrayé un groupe de chamois aventuré dans la prairie. Ces derniers gravissent, dit Paco, un dénivelé de 1 000 mètres en un quart d’heure, pas nous tout à fait. La rude et longue montée était censée réaliser une sélection naturelle. Mais notre instinct grégaire a eu raison et nous sommes retournés tous bien ensemble de ce tour enchanteur dans les feuillus. Le mardi nous avons rattrapés au vol la marche à la journée, prévue le lendemain à Baume-les-Messieurs. L’une d’entre nous a chuté par deux fois dans la descente vertigineuse et le relief escarpé. Par bonheur ce n’était pas trois fois afin de ne pas reproduire un scénario biblique. En fait, c’était pour se faire dispenser de marche ! Nonobstant les jambes qu’elle avait oubliées dans le massif, notre amie nous a accompagnés dans l’ancienne abbaye. Il nous manquait juste les Moine, qui avaient préféré manger des tortellinis dans le talon de l’Italie. Nous avons eu malgré tout un sacristain, réputé « universitaire », qui nous a, en effet, doctement décrit le retable. Mais cet homme, respectable mais un peu raide, a, sans égard, amendé plusieurs d’entre nous ayant enfreint les règles (non pas celles de saint Benoît). L’une d’entre nous s’était assis sur les stalles (historiques certes). Pas de quoi les user davantage et recevoir l’invective de notre réputé docteur. Elle aurait pu être sa mère ! Il est vrai que l’expression « s’il vous plait » - ce à quoi les chenus que nous sommes restons attachés - n’avait plus trop cours non plus dans notre résidence, au demeurant fort bien. On s’est fait reprendre quelquefois comme des adolescents en colonie de vacances. La pluie tenace d’un jour nous a tenus éloignés des chemins mais nos guides en avaient sous le pied, nous conviant, au pied levé pour le coup, à une conférence-concert de cor des Alpes, cet instrument qui mesure trois mètres de long au moins. Jean-Michel nous a raconté les sangliers, ces faiseurs de sangles qui entourent les fromages. Des tagliatelles d’épicéa prélevées sous l’écorce de l’arbre fraîchement abattu. Nous avons alterné les visites, fort intéressantes, au fort des Rousses, où le comté en affinage a remplacé les militaires, avec des contrats à peu près identiques, 8 mois, un an, 16 mois, deux ans… Et puis la ferme du XVIIe siècle, sans compter l’Espace des Mondes polaires dans les pas de Paul-Emile Victor. Nous avions pour ange gardien notre animateur, Tiago, qui, discret, mais le soir venu s’animait (c’est son job après tout). Voici un lutin, en noir et rouge, sorti tout droit de Shakespeare, qui nous a amusés tout le long des soirées au générique « hopopope ! » Qui restera l’antienne hantant encore nos Songes d’une nuit d’été. J’oubliais le final magistral sur les alpages par un joli mais encore timide soleil au-dessus du lac Léman. Un pas de plus et nous y tombions dedans. J’exagère évidemment comme nos guides souvent, en souriant plaisamment, quand il s’agissait de monter. « C’est quoi le dénivelé ? » Réponse : « à peu près ». On est habitués chez nous avec nos guides qui nous racontent des histoires. Chalmazel, ça vous parle ? (Je m’en repens par esprit de corps pour être aussi un modeste guide). Merci à Jean-Michel et Paco, à Tiago et merci bien sûr à Noël et Guy qui ont dessiné ce bel itinéraire.